La Chine et l'Afrique : le grand dilemme ?



le premier porte-avion chinois
Réalités, discours et contradictions de la politique chinoise en Afrique
Nul n'ignore plus la puissance chinoise qui se déploie en Afrique avec une énergie forcenée et des moyens matériels comme humains à l'échelle, immense, de la Chine.
A l'évidence, les entreprises chinoises, étatiques ou privées, ont fait d'une partie de l'Afrique, non pas un empire colonial ou un pré carré, mais un immense terrain où, avec des difficultés et des erreurs parfois, la Chine se bâtit à la fois un réseau d'Etats-clients, une zone d'extraction minière vitale pour son économie et un marché commercial bien utile en période de crise mondiale systémique.
Deux chiffres disent tout de l'évolution de plus en plus rapide des liens sino-africains : Selon les données officielles des autorités de Pékin, en 2011, les exportations de la Chine vers l'afrique ont atteint 166,3 milliards de dollars US.
La même année, les exportations africaines vers la Chine ont culminé à 93,2 milliards de dollars US.
Pour donner un ordre de grandeur de la croissance des relations économiques sino-africaines, en 2001, toute l'Afrique exportait vers la Chine pour 5,6 millirads de dollars US !
En dix ans, le montant des exportations africaines a donc cru d'environ 18 fois son chiffre initial de 2001.
Un tel bouleversement desrapports commerciaux n'a pas été sans conséquences pour les concurrents de la Chine en Afrique. De l'Afrique du Sud à la Tunisie, des côtes guinéennes aux anciennes colonies portugaises ou françaises, voire belges, la Chine avance ses intérêts, parfois de manière très critiquée, notamment par son importation de main d'oeuvre nationale sur le territoire du pays concerné, sans se soucier du chômage et de la misère des populations locales, et encore moisn de la souveraineté nationale des pays, un sujet pourtant très sensible en Afrique.
Ces faits, réels, et aussi parfois une arrogance de cadres locaux chinois qui sont souvent totalement ignorants de la culture, des coutumes, des lois des pays dans lesquels ils s'implantent de façon massive, ont généré une colère croissante des populations africaines, et c'est en partie la raison de l'annonce de prêts à hauteur de 20 milliards de dollars par Hu Jin Tao.
En même temps, les choses sont bien plus complexes et les relations d'interdépendance font que, tant les autorités chinoises que celles des pays africains amis de la Chine, mesurent les dangers du mécontentement croissant contre cette mainmise chinoise, même teintée d'un langage anti-colonialiste et drapée dans l'héritage revendiquée du maoïsme sur le continent noir.
Il n'en reste pas moins qu'à Pékin, de hauts responsables ont mis en garde contre ces tensions fortes et ont poussé à des inclnaisons de la politique africaine de la Chine. Et qu'ils ont été en partie entendu et écouté par leurs chefs.
Le dilemme sino-africain : l'objectif du développement d'un côté, l'obsession de la stabilité en Chine de l'autre
L'Union européenne a beau critiqué, de manière discrète, les manières de procéder employées en Afrique par les autorités chinoises, et essayé de se donner une contenance vertueuse, la réalité des rapports de force ne s'en exprime pas moins avec clarté, certains diraient avec cynisme.
Face à des Etats-Unis lointains, une Union européenne désargentée et en crise, une Russie qui n'a pas pour le moment les moyens de reprendre la politique d'amitié, fructueuse pour son économie, de l'époque soviétique, les dirigeants africains, en grande majorité, ont compris que le développement de leurs économies nationales ne peut passer, dans la périodez actuelle, que par le biais de la Chine, devenue à tous points de vue une superpuissance, tant économique que militaire et financière ;
Ainsi, quand des ministres européens vitupèrent contre ce qu'ils appellent “la politique du chéquier”, des hauts responsables africains leur rétorquent, non sans quelque raison, que pour se développer, il vaut mieux avoir un partenaire riche et intéressé que des anciens Etats coloniaux financièrement exsangues et qui n'ont plus les moyens d'aider leurs ex-colonies.
C'est ainsi que, notamment, les intérêts français sont poussés, de diverses manières, hors de la zone d'influence chinoise en Afrique. La Chine ne fait pas mystère de son objectif qui est de s'accaparer les terres rares, les richesses du sous-sol africain, et si possible, détenir le contrôle militaire des accès à ces zones essentielles pour son économie.
Tandis qu'en Asie, la politique chinoise d'ensemble vise clairement à des relations apaisées, dans l'intérêt même de la stabilité du pouvoir à Pékin, en Afrique, il apparaît évident que la Chine entend maîtriser les sols et donc les sous-sols, protéger ses installatiojs d'extraction et ses usines ainsi que ses routes commerciales vers la métropole, ce qui suppose d'un côté apporter, dans la limite des intérêts chinois, une aide contributive au développement réel des pays concernés, et de l'autre renforcer sa présence militaire, partant du principe qu'avoir des terres riches en minerais indispensables sans sécuriser les voies pour les transporter vers la Chine, serait un danger majeur pour la stabilité de l'Etat et donc la pérénnité de sa direction politique.
Il en résulte que la Chine tourne des yeux militaires, notamment en termes de puissance navale, vers l'Océan Indien et l'approche de ses côtes méridionales, riches en industries de transformation.
La mise en service d'un premier porte-avion aux couleurs de la Chine est une illustration de cette stratégie de sécurité évidente de ses approvisionnements en minerais africains. L'effort financier colossal en vue de doter la Chine d'une marine militaire puissante et aisée à déployer à distance, avec si possible des ports d'attache en Afrique et sur les routes maritimes sino-africaines, est lié à ce constat et à ses conséquences géo-stratégiques.
Les talons d'Achille de la Chine en Afrique
La direction chinoise comprend bien que le talon d'Achille de toute sa politique africaine n'est pas les mécontentements locaux qui lui semblent pouvoir être gérés de façon positive, de son point de vue, avec des capitaux, des emplois, des infrastructures publiques et des prêts, mais la longueur imposante de ses communications commerciales avec l'Afrique.
Les dirigeants chinois ont conscience qu'ils sont dans une situation quasi-inespérée pour eux en Afrique, et que leur politique africaine apporte à leur pays les ingrédients nécessaires à la bonne marche de son économie, mais aussi une maimise sur des matières premières qui seront essentielles dans un avenir proche, et, pour cela, ils ont avec eux le temps, l'argent et le passé politique de leur pays.
Ils savent donc que les dirigeants africains ne peuvent pas se passer- pour le moment- des apports de la Chine pour assurer leur propre stabilité qui passe aussi par un développement de leur économie nationale.
Cependant, à terme, il est manifeste que, face à la voracité des appétits chinois sur le sous-sol africain et l'intrusion croissante de ce pays dans la vie des peuples du continent nour, il n'est pas exclu que la Chine finisse par apparaître aux peuples d'Afrique comme un nouvel Etat colonisateur.
C'esf là le fond du dilemme sino-africain : chacun a, pour le moment, à la fois besoin de l'autre pour assurer ses propres intérêts immédiats, mais ce qui sortira au final de cette situation inédite pour l'Afrique est la grande inconnue historique... pour la Chine.
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